FAÇONNAGE DES HÉLICES CARBONE
Le présent article est destiné à vous présenter les travaux de façonnage et d'équilibrage de nos hélices. Ces principes peuvent cependant pour partie être appliqués à tous les types d'hélices, qu'elles soient en bois, en plastique ou en tout matériau composite.
Pour tirer le maximum de rendement d'un groupe motopropulseur il convient de lui fournir l'hélice la plus parfaite, la plus adaptée possible. C'est pourquoi tous les compétiteurs qu'ils pratiquent le vol libre, le vol circulaire ou le vol radiocommandé préparent leurs hélices et y consacrent un temps important. Une bonne hélice permet une meilleure utilisation du moteur donc une longévité plus importante.
Avant de se lancer dans ces travaux il vous faut réunir un minimum d'instruments de mesure et d'outillage. Un hélicomètre, un pied à coulisse, un équilibreur et un réglet en ce qui concerne les instruments de mesure, un alésoir à main étagé, ainsi que des limes et autres matériels abrasifs pour la partie outillage. De la cyanoacrylate liquide et un vernis polyuréthane complèteront cette liste.
Le principe de cette opération est d'obtenir une hélice balancée c'est-à-dire symétrique par rapport à l'axe de rotation du moteur. Cette symétrie doit être comprise tant en masse - les deux pales devant être de même poids et éviter tout balourd générateur de vibrations, mais également une symétrie de forme laquelle est le gage d'un rendement optimal de l'hélice. Si le premier de ces critères est généralement connu de tous le second l'est moins malgré son importance, notamment lorsque l'on veut tirer le maximum de puissance de son moteur.
Vous avez donc compris à ce stade qu'il s'agira de façonner les deux pales pour les rendre identiques et symétriquement disposées autour de l'axe du moyeu. Nous agirons donc sur la forme de la pale, son épaisseur, et son positionnement dans l'espace (cette position donne en fait le pas de votre hélice), mais également nous pourrons agir sur le profil de la pale et son évolution du pied jusqu'en bout de pale. En modélisme, comme en beaucoup d'autres choses dans la vie tout n'étant que compromis, il faudra bien s'arrêter de poncer, limer ou polir à un moment et essayer votre œuvre en l'air. Alors les données recueillies telles que vitesse de rotation, vitesse du modèle, traction, bruit du moteur, couple, qui peuvent par ailleurs être mesurées et recoupées avec les caractéristiques dimensionnelles statiques enregistrées lors du façonnage vous permettront de peaufiner la suivante, et ainsi de suite empiriquement de modifier tel ou tel paramètre pour adapter cet élément essentiel de notre modèle. Voilà pour les principes généraux, passons maintenant à l'acte.
Ebavurage : Brute de démoulage, l'hélice se présente avec des bavures. Il nous faut les ôter avec une lime. Ce n'est pas le travail le plus minutieux auquel nous serons confrontés, mais il doit être fait tout de même avec soin, si par malheur vous touchez à la largeur de la pale alors vous aurez moins de latitude pour ajuster le pas de cette pale et le rendre symétrique a celui de sa voisine. De même les bouts de pales doivent être coupés une première fois afin d'ôter les bavures épaisses (caractéristiques des évents de coulage du moule).
Alésage du moyeu : Le trou au centre du moyeu au démoulage est à la dimension donnée par le moyeu du moule, cependant lors de la cuisson finale de notre hélice des déformations apparaissent et ce trou à tendance à se refermer (rassurez vous de quelques centièmes seulement) et il nous faut le réaléser au diamètre exact du vilebrequin, ou du support d'hélice lorsque le montage n'est pas direct. Ce travail se fait à l'aide d'un alésoir à main étagé. Cet outil se trouve aisément dans les catalogues spécialisés. C'est assez long et nécessite un peu de force dans les poignets et dans les doigts. J'ai essayé d'utiliser la perceuse à colonne, cela marche mais ne donne pas la satisfaction escomptée.
Dressage du plan inférieur du moyeu de l'hélice : Ce plan est celui qui est en contact avec le plateau de votre moteur. Vous comprendrez dés lors que cela doit être le plan de référence de votre hélice et que toute intervention ultérieure se fera en référence à cette surface. Il a deux opérations à effectuer. Tout d'abord dresser la surface sommairement afin d'éliminer les dépressions circulaires dues au retrait de la résine lors de la cuisson. Puis dresser la surface de telle manière que les bouts de pales soient à la même altitude du plan de référence respectivement pour les bords d'attaque des pales et pour les bords de fuite. Cette mesure peut se faire soit sur l'hélicomètre, soit sur un marbre. Pris entre vos doigts le moyeu est appliqué sur une cale à poncer et déplacé de droite à gauche et d'avant en arrière en appliquant la bonne pression à l'endroit qui mérite d'être affiné. Cela demande une certaine dextérité qui s'acquiert au fil du temps. Cette opération est capitale, bien réalisée elle vous permettra de gagner un temps toujours précieux dans les phases ultérieures.
L'hélicomètre : Cet appareil permet de mesurer l'angle d'incidence de la pale, donc le pas. Cet outil est hélas de diffusion assez confidentielle, je m'efforcerai de produire une liste d'adresses pour un prochain numéro (ou mieux de produire le plan du notre qu'il conviendra alors de modifier pour des utilisations adaptées à votre discipline). Il est généralement composé d'une platine rainurée, chaque rainure déterminera une station de mesure, d'un moyeu porte hélice coulissant dans les rainures de la platine, d'un curseur de lecture permettant par application sur l'intrados de la pale de rapporter l'angle d'incidence que vous pourrez lire sur une table de lecture. Cette table peut être graduée en degrés, en millimètres ou en pouces. Le second nombre que vous trouvez dans les caractéristiques techniques d'une hélice correspond au pas moyen de l'hélice. Il résulte de la moyenne tirée de l'évolution des pas entre l'emplanture de la pale (moyeu) et son marginal (extrémité de pale). A ce stade vous comprendrez que lorsque l'on nous demande le pas de nos hélices, nous pouvons répondre avec exactitude, mais cette indication n'a aucune valeur pour quiconque voudrait reproduire cette hélice. Il faudrait pour cela que l'ensemble de la taille soit faite à partir d'une hélice brute sortie du moule d'origine, selon notre méthode et surtout avec les mêmes instruments de mesure et principalement le même hélicomètre.
Mise au pas : Le rêve de tout modéliste qui se lance dans l'aventure de la confection personnelle d'hélices par moulage est d'obtenir des hélices identiques qui seraient utilisables sorties de moule. Il n'en est rien, les méthodes artisanales employées pour réaliser le moule ne le permettent pas. C'est un mal, mais également un bien puisque laissant à chacun une latitude de modification du pas de l'hélice par façonnage manuel, donc de recherche de performances toujours meilleures.
Il convient donc d'établir le pas que vous voulez station après station en traitant alternativement la pale 1 et la pale 2. Lire le pas de la 1, puis celui de la 2. Modifier l'un et l'autre par limage au niveau de la station considérée pour obtenir le pas voulu à cette station. Passer à la station suivante, faire de même, puis revenir à la station précédente pour voir si les ajustages effectués n'ont pas altérés le pas façonné auparavant, et ainsi de suite jusqu'à l'extrémité de chaque pale. Ce travail doit être précis. Il ne faut jamais oublier que vous n'obtiendrez jamais le but recherché ou pas souvent. Tout n'est que compromis. Il convient d'éviter les vagues qui apparaissent logiquement en travaillant station par station. Enfin il est important d'obtenir la même évolution des pas pour chaque pale. Et c'est à force de tailler des hélices que l'on acquiert la technicité qui permet ensuite d'obtenir plus aisément la qualité recherchée.
Nous avons découvert les limes diamant sur manche plastiques, C'est absolument ce dont vous devez vous équiper pour travailler efficacement dans le carbone.
Largeur et épaisseur : Il convient maintenant d'établir la forme définitive de la pale en lui figeant sa largeur et son épaisseur. Comme pour le pas il convient station après station, alternativement pale après pale de limer le bord de fuite de votre pale pour obtenir la forme de la pale. Ce travail est rapide et simple. Vous remarquerez sur les photos que chaque station et tracée. Sur notre hélicomètre chaque station est espacée de 10 millimètres.
Moins aisé est la mise en épaisseur, car à ce moment il ne faut pas détruire le profil de la pale et notamment l'extrados en modifiant la ligne d'apex de la pale. Une hélice se comporte aérodynamiquement comme une aile et la position de l'apex de l'extrados de la pale a son importance. Le meilleur conseil que l'on peut donner, outre celui de constamment tracer et retracer cette ligne sur la pale pour toujours avoir une référence est de mémoriser la forme que l'on désire et d'essayer de la reproduire aussi fidèlement que possible. Cette opération de mise en épaisseur et de sculpture de l'extrados de la pale est certainement la plus complexe de toute l'opération décrite aujourd'hui.
A ce stade passons à l'intrados de la pale et donnons lui la forme désirée. Les hélices sont généralement de profil plan convexe mais peuvent être creuses (c'est notre cas en team racing) ou biconvexe (c'est le cas en vitesse) mais également peuvent évoluer d'un profil creux à l'emplanture vers un profil biconvexe au marginal. Dans ce cas c'est tout un art que de tailler un tel objet. Comme pour l'extrados il convient de tailler le profil voulu station après station en revenant inlassablement sur la station antérieure pour éviter les vagues.
Mise au diamètre : Tracer avec un pied à coulisse le diamètre voulu, couper au disque à tronçonner, poncer et affiner l'extrémité de pale. A ce stade nous vérifions le parallélisme des deux faces du moyeu de l'hélice et ajustons le plan supérieur par rapport au plan inférieur (ne jamais retoucher le plan inférieur sinon tout est à refaire).
Equilibrage : Il convient maintenant de vérifier si l'hélice est bien équilibrée en masse, c'est à dire de contrôler que la pale de droite n'est pas plus lourde que la pale de gauche. Pour cela un équilibreur est requis. Les nôtres sont des Top Flite de type magnétique et ils donnent entière satisfaction. Si toutes les phases précédentes ont été respectées l'hélice est quasiment équilibrée, sinon il faut donner dans le compromis et altérer l'un des dimensionnements précédents (généralement l'épaisseur). Cet équilibrage peut également être effectuer par un apport de poids sur la pale la plus légère, par exemple par application d'un voile de cyanoacrylate (qui contrairement à ce que l'on pense n'est pas une colle aussi légère que cela).
Finition : Une fois notre hélice prête il convient de la vernir afin de fermer tous les pores constitués pas chaque fibre mise à nue. Un léger voile de polyuréthane fera l'affaire. Et pour faire beau un polissage du tout donnera un brillant à faire pâlir vos concurrents.
Recollement des données dimensionnelles de votre hélice : Bien entendu quand vous aurez confectionné l'hélice merveilleuse qui vous apportera les performances souhaitées, il peut arriver en accord avec la théorie du maximum d'emm..... de la casser. Si vous n'avez pas eu la prévoyance de relever toutes ses dimensions il vous sera bien difficile de la refaire. En conséquence avant même de l'essayer identifiez les en les numérotant et noter pour chaque hélice, pour chaque station le pas, la largeur, l'épaisseur et la forme de votre hélice. Ne penser pas que toutes les hélices se ressemblent, ce ne sont jamais les mêmes, la main de l'homme étant passée par là elles sont toutes différentes.
Cet hiver nous avons un nouveau moule d'hélice à faire, je prendrai toutes les photos voulues et vous délivrerai cela au printemps prochain. En attendant regardez donc les hélices du commerce, il y sûrement quelque chose à faire pour les rendre plus performantes. Ne serait-ce que les équilibrer en masse....