L’HUILE DE RICIN EST ELLE LE MEILLEUR LUBRIFIANT POUR NOS MOTEURS ?

[(CH3(CH2)5CH(OH)CH2CH=CH(CH2)7COO)3(OC)3H5 ]

Ricin1Pourquoi choisir une huile plutôt qu'une autre? Est-ce une question de mode dictée par la publicité ? Une chose est sûre, l'odeur du ricin plane sur tous les circuits qu'ils soient automobiles, motocyclistes ou de karting et bien sûr sur nos pistes aéromodélistes. Le grand débat opposant huile de synthèse et ricin se poursuit et cela depuis plusieurs décennies maintenant.

Le problème s'est posé à nous qui utilisons des moteurs dits « diesel » qui fonctionnent avec des charges plus importantes que les moteurs glow et à des températures légèrement supérieures. Tout mon entourage me bassinait avec les choix d'huile pensant trouver l'huile miracle tantôt chez un fournisseur et tantôt chez son concurrent. J'ai donc replongé dans mes livres, exhumé les vieilles revues aéromodélistes, exploré Internet et essayé de me souvenir de mes cours de fac et de ma prof de chimie pour réunir un maximum de données. Mais j'avoue qu'intuitivement j'avais un à priori favorable pour l'huile ricin.

 

Ricin2Dés 1983, une controverse naissait et était déjà rapportée dans la revue américaine Radio Control Modeler au sujet des méthodes de mesure et d'appréciation des capacités lubrifiantes des différentes huiles et de leurs effets bénéfiques ou pénalisants pour nos micromoteurs. Traditionnellement, et personne ne savait pourquoi, l'huile de ricin servait de référence. C'était ainsi. Il faut à ce stade remarquer qu'aucune huile n'avait réellement été développée pour notre utilisation et chaque fois qu'une huile pour deux temps sortait un petit malin s'empressait de la tester dans nos micromoteurs et en tirait empiriquement ses propres conclusions. Interroger à cette époque les industriels de la lubrification mécanique ne servait pas à grand-chose, le marché du modèle réduit ne leur laissant pas entrevoir un quelconque développement spécifique pour leur produit.

Le rédacteur de l'article de cette revue américaine, ingénieur de son état, interrogea Bob Durr qui à l'époque était le scientifique américain le plus expérimenté en matière de lubrification. En raccourcissant son propos, il reconnut qu'aucun test n'était satisfaisant pour mesurer ou apprécier les qualités lubrifiantes d'une huile pour l'utilisation qui en était faite dans notre sport (pour les spécialistes il utilisa les tests Falex, Timken et Shell 4, mais ne pût en tirer une quelconque conclusion) . Il se retourna alors vers une approche fondamentale du problème en étudiant l'aspect chimique de l'huile de ricin. Et c'est là que tout s'éclaire....

Pour lubrifier, un liquide doit pouvoir mouiller toute les surfaces des pièces en mouvement et frottant les unes contre les autres. C'est ce que l'on appelle le film lubrifiant. Ensuite il doit avoir une résistance suffisante à la température d'utilisation pour éviter de bouillir et de s'évaporer à ces températures, donc de rompre ce film. En règle générale ce liquide doit avoir un aspect gras ou huileux (qui d'ailleurs est particulièrement difficile à mesurer), donc plutôt d'une structure moléculaire assez grande. Et c'est là que notre huile de ricin a des particularités absolument étonnantes et adaptées aux utilisations qui sont les nôtres. Ces prédispositions à l'excellence se découvrent directement à la lecture de la formule chimique de notre huile.

Faisons un peu de chimie moléculaire maintenant. La formule chimique de l'huile de ricin est :

[(CH3(CH2)5CH(OH)CH2CH=CH(CH2)7COO)3(OC)3H5]

Je sais c'est une formule barbare mais c'est ainsi. Elle a la particularité d'être composée de 87% de triglycérides ricinoléiques, de posséder une double liaison en 9ème position et d'un radical hydroxyl en 11ème position. C'est ce qui rend cette huile unique en son genre. Toute cette phrase était pour les puristes.

Lorsque la température grimpe dans nos moteurs, cette molécule perd deux atome d'hydrogène et une d'oxygène (donc une molécule d'eau) et devient une huile sèche. Si l'huile de ricin présente une stabilité excellente à température ambiante, elle polymérise rapidement lorsque cette température s'élève et donne une huile de plus en plus chargée en esters. Ces esters ne commencent à se décomposer qu'autour de 343°C. L'huile de ricin se présente alors sous d'immenses structures moléculaires. Tout cela pour démontrer que plus la température s'élève, plus notre huile de ricin a des caractéristiques lubrifiantes. Mais comme tout a une fin le sous produit obtenu en fin de cycle est assimilable à un vernis. Ce que vous connaissez bien, il orne rapidement les têtes de culasses de nos moteurs.

L'huile de ricin a d'autres propriétés intéressantes et uniques. Elle a une grande affinité pour les surfaces métalliques (qualités de mouillage). Son point éclair est de seulement de 229 ° C, alors qu'elle ne s'enflamme qu'à 449 C°. C'est un comportement très exceptionnel si vous considérez que la plupart des huiles synthétiques ont un point éclair compris autour de 200°C et que leur inflammabilité est autour de 290°C. Presque toutes les huiles synthétiques communes que nous utilisons brûlent dans la chambre de la combustion si vous réglez votre moteur trop pauvre. Il y a alors rupture du film d'huile et serrage. Cela affecte la tête de bielle (coté maneton de vilebrequin) puis le pied de bielle (axe piston) puis arrive le serrage du piston lui-même et ce en quelques secondes. L'huile de ricin est pour les raisons évoquées plus haut beaucoup plus permissives aux réglages pauvres.

Mais cette huile a tout de même un petit défaut. Elle salit les moteurs. Ce qui oblige les utilisateurs à nettoyer souvent cette couche de vernis qui s'agglomère sur le piston. Cette couche est parfois recherchée (tout est relatif) afin de créer une certaine étanchéité. Pour les moteurs diesel il convient de recalaminer le moteur au sortir d'un nettoyage pour qu'il retrouve l'intégralité de ses performances. Autre chose cette couche faussement dite de calamine permet d'observer toutes les traces ou portées qui sont les révélateurs des causes d'un dysfonctionnement ou d'une altération des performances du moteur.

Pour être honnêtes il nous faut maintenant voir les avantages des huiles synthétiques. Lorsqu'elles se décomposent lors de leur combustion les huiles synthétiques retournent vers leurs éléments constitutifs originels qui sont généralement des molécules d'alcool complexes qui brûlent et ne laissent pas de dépôts, donc qui fournissent des calories supplémentaires, et un rendement meilleur. Utilisées en toute connaissance de cause les huiles synthétiques sont de très bonnes huiles au pouvoir lubrifiant remarquable, il suffit d'en connaître les limites et d'éviter de les atteindre.

Résumons nous : L'huile de ricin améliore son pouvoir lubrifiant plus la température augmente, alors que l'huile synthétique se comporte comme un carburant dans ces mêmes conditions. Dans des conditions de fonctionnement moteur pauvre l'huile de ricin gagnera toujours. Les deux huiles, utilisées l'une et l'autre à bon escient assureront une bonne longévité des moteurs. Il faudra nettoyer vos moteurs plus souvent si vous utilisez de l'huile de ricin, mais à l'occasion de ces démontages vous pourrez rectifier, ajuster ou remplacer telle ou telle pièce défectueuse.

On constate donc qu'elles pourraient très bien être complémentaires. Qu'à cela ne tienne. Cet essai a été fait avec beaucoup de succès. Les proportions varieront donc au gré de vos besoins. Pour un moteur glow destiné à l'entraînement ou au loisir, dans les mains d'un pilote qui ne réglera pas trop pauvre les huiles de synthèse suffiront largement. Ces carburants sont destinés à la grande masse des aéromodélistes.

Pour un modéliste désirant tirer un peu plus de son moteur glow il conviendrait de mélanger synthèse et ricin dans des proportions à déterminer à l'usage, mais avec plus de synthétique que de ricin.

Pour les utilisateurs de moteurs « diesels », le ricin s'impose par ses capacités à résister à de fortes charges (notamment au niveau du maneton de vilebrequin) et à des températures élevées. En Team racing par exemple, nous sommes les pires utilisateurs pour un moteur. Le but du jeu est de tirer le plus de chevaux possibles d'un moteur diesel en consommant le moins possible de carburant et en conséquence en étant toujours à la limite du serrage, donc de la rupture du film d'huile. Le ricin s'impose donc mais nous le coupons avec des huiles destinées au karting qui sont elles mêmes des huiles de ricin additionnées d'une faible part de synthétique et d'additifs ayant un rôle de nettoyant et d'anticalaminant. Nous reviendrons sur les additifs un jour, ce sera le sujet d'un nouveau papier.

Le Ricin et son extraction

L'huile de ricin est extraite de la graine d'un arbrisseau appelé scientifiquement Ricinus L. qui grandit dans les régions tropicales ou subtropicales en Asie Centrale, Tanzanie, Brésil, et Kazakhstan par exemple. C'est une plante perpétuelle ou annuelle selon les variétés qui est considéré comme résistante aux fortes sécheresses. Les graines de ricin contiennent de 50 à 55% d'huile, L'un des plus importants producteurs de ricin était les USA. En 1972, les circonstances économiques ont mené aux États-Unis à perdre le leadership de la production d'huile de ricin et ils sont devenus dépendants de l'étranger tant pour la graine de ricin et pour l'huile qui en est extraite. La France ne produit pas, à ma connaissance de graines de ricin. L'extraction de l'huile de cette graine est semblable à celle de la plupart des autres graines oléagineuses. Les fruits sont cueillis après mûrissement. Lorsque les gangues sont sèchent, elles libèrent leurs graines. Elles sont nettoyées, débarrassées des restes de gangues et de certaines peaux résiduelles, mises à cuire et séchées antérieurement à la phase d'extraction de l'huile. Cette cuisson permet la coagulation de certaines protéines, ce qui est nécessaire pour permettre une extraction efficace de l'huile.. Elle s'effectue à une température de 80°C, en autoclave. Après avoir cuit, la matière est séchée à 100°C pour atteindre une humidité de 4 % environ.

L'extraction de l'huile se fait par pressage des graines dans une presse de type vis sans fin. L'huile est ensuite filtrée. C'est l'huile de première pressée. Le gâteau composé des pulpes qui est déchargé de la presse contient encore une dizaine de pourcents d'huile. On lui additionne un solvant (généralement de l'heptane ou de l'hexane) puis on le presse à nouveau pour en tirer les restes d'huiles. Le solvant est ôté par distillation. C'est l'huile de seconde pressée.

La purification

L'huile une fois extraite des graines contient encore des impuretés qu'il faut éliminer. Nous avons rapidement vu que cette huile est essentiellement composée de triglycérides et certaines en contiennent plus de 90%. C'est ce composant qui confère à cette huile les qualités que n'ont pas les autres huiles végétales.

Pour ses utilisations classiques l'huile subit plusieurs opérations, le dégommage, l'éclaircissement, la neutralisation et la désodorisation. Le dégommage est nécessaire pour éliminer les phospholipides de l'huile. D'autres se reforment avec le temps et vous pouvez les voir au fond d'une bouteille de ricin qui aurait séjourné plusieurs années sans être remuée. Elle dépose une substance plus visqueuse, c'est ce que l'on appelle communément la gomme (à ne pas confondre avec le vernis résiduel sur les moteurs). La décoloration de l'huile consiste à enlever certains pigments, d'autres phospholipides et les résidus d'oxydation. La neutralisation sert à éliminer les acides gras libres. Cette opération se fait sous deux formes : l'une chimique consiste à traiter l'huile avec une base généralement l'alkali, l'autre plus généralement utilisée consiste à chauffer l'huile à la vapeur sous vide partiel. Cette opération contribue également à éliminer acides gras libres, odeurs et impuretés résiduelles. Comme vous le constatez c'est un produit élaboré qui est issu d'une chaîne de fabrication complexe. De plus c'est un produit végétal qui comme les vins, les huiles alimentaires. Il dépend du terroir, du climat, de la main de l'homme, des conditions de stockage, et du respect que l'utilisateur lui donne.

A part nous qui utilise de l'huile de ricin ?

Contrairement aux huiles minérales ou synthétiques l'huile végétale issue du ricin est un produit biodégradable, écologique et indéfiniment renouvelable. Il a donc de l'avenir. Nous l'avons vu il est unique et inégalé quand à ses propriétés physico-chimiques. Il n'est donc pas étonnant que son utilisation soit multiple, diverse et ancienne.

En vrac voici quelques utilisations : Cette huile a toujours été considérée comme un excellent laxatif par la pharmacopée. Les anciens l'utilisaient déjà comme baume pour les plaies cutanées. elle est utilisée dans la chirurgie ophtalmologique. Dans le monde industriel elle sert par exemple dans la fabrication de certains cuirs artificiels utilisés en ameublement, de certains caoutchoucs synthétiques, colorants, produits d'imperméabilisation, vernis, adhésifs, bases pour cosmétiques et parfums et bien sûr comme lubrifiants industriels ou automobiles. Mais de cela nous venons d'en parler.